La relation entre mes parents était tendue... : Deuxième et dernière partie
Deuxième et dernière partie de l’entrevue abordant la difficulté et les séquelles que le divorce de ses parents peut représenter et engendrer sur le long terme. Nous saurons, enfin, quelle est la réponse à la dernière question posée dans la première partie publiée par Neuropresse, et à bien d'autres dans cette partie.
Bonne lecture !
image retrouvée sur : https://www.demotivateur.fr/article/notre-societe-vue-a-travers-des-illustrations-bluffant-tant-la-verite-saute-aux-yeux-13400
Selon ce que tu m’as dit, tu étais adolescent quand tes parents se sont séparés. C’est arrivé à un moment critique où le garçon que tu étais allait bientôt devenir un adulte. Et à cet âge, on veut normalement expérimenter plein de nouvelles choses. Dirais-tu alors que l’épisode de la séparation ne t’a pas aidé à passer à l’âge adulte ?
-À l’école secondaire, j’ai eu de mauvaises fréquentations et j’ai consommé de la drogue, de façon plus fréquente entre 15 et 18 ans. Je consommais parfois pour atténuer le stress engendré par ma situation familiale, mais c’était plus souvent pour m’amuser, cela dit entre guillemets. J’étais insouciant et j’errais sans but.
Est-ce que cela est allé jusqu’à nuire à tes études ?
- Non. J’ai toujours été performant à l’école. Mon père était un homme strict, pour qui la discipline était très importante. Il nous faisait étudier avec excès dès notre plus jeune âge. Éventuellement, j’ai un peu décroché. J’étais épuisé par les exigences d’être premier de classe, d’être toujours en compétition avec les autres.
Les métiers que tu as exercés ont ceci en commun d’aider les personnes. Est-ce ton vécu qui, bien inconsciemment, a influencé ce choix ?
- En commençant par m’aider moi-même pour évoluer malgré mes séquelles, j’ai acquis la conviction qu’il est toujours possible d’être heureux et en paix. J’ai ensuite ressenti le besoin d’aider les autres à devenir meilleurs. Les crises ne m’impressionnent pas, en ayant vécu une moi-même. Lorsque j’étais policier, je réussissais à demeurer calme et à réfléchir dans des situations tragiques telles que des accidents, des décès ou des manifestations de violence. Aussi étrange que cela puisse paraître, j’étais plus calme dans ces situations que pendant une journée tranquille et sans incident. C’est depuis toujours un trait peu commun de ma personnalité. Après ma carrière de policier, je me suis tourné vers ma véritable passion qu’est la kinésiologie. Une autre profession qui consiste essentiellement à aider les gens.
Comment as-tu réussi à évoluer, à passer à autre chose ?
- Je le dois en bonne partie aux personnes que j’ai rencontrées dans ma vie. S’entourer de personnes qui nous comprennent et qui partagent nos valeurs, cela fait le plus grand bien. Il faut par contre aussi éliminer de sa vie celles qui ont une influence négative. Mais comme je l’ai dit plus tôt, ce qui m’a le plus aidé, c’est d’avoir fait de l’auto-amélioration le projet de ma vie. J’ai développé une passion, celle de travailler sur moi-même pour devenir la meilleure personne possible, et d’aider les autres à en faire autant. C’est au comble de ma souffrance que je me suis rendu compte que je devais changer. Je n’étais plus capable de m’endurer tellement ça n’allait pas dans ma tête.
Est-ce que je me trompe en disant que le soutien de tes frères et soeurs, et des autres membres de ta famille a été bénéfique ?
- De façon générale certainement, mais pas spécifiquement.
Peux-tu dire que les relations avec tes proches ont évolué depuis ?
- Je dirais que tout est normal. Nous nous voyons moins souvent à cause du travail et des nombreuses autres occupations. Il y a aussi que nos résidences sont éloignées les unes des autres. À par ça, il n’y a rien de particulier à signaler.
Revenons un peu en arrière. Tu as 15 ou 16 ans, tes parents t’annoncent qu’ils se séparent. Les choses se précipitent. Tu es à l’école secondaire et tu peux faire l’objet de moqueries de la part de tes camarades. Est-ce que cela te dérangeait ?
- Parfois, oui. C’est ce qui avait causé ma gêne, entre autres choses. Pour les Québécois de souche, dirait-on, il n’y a rien d’exceptionnel et d’anormal à vivre en couple sans se marier, à se séparer, à être une mère ou un père monoparental, etc. C’est courant ou presque anodin. Mais il peut en être autrement pour certaines personnes d’autres cultures et origines que j’ai eu l’occasion de rencontrer. J’ai eu l’impression que pour ces gens, ce sont des sujets honteux et à ne pas aborder. Le divorce, en particulier, semble faire peur.
À ton avis, existe-t-il un moyen, un truc pour passer outre ces commentaires négatifs ?
- Pas particulièrement. Je comprends que des personnes puissent s’interroger --, disons cela comme ça -- à propos de certaines pratiques d’aujourd’hui. J’ai moi-même des interrogations. Non pas que je trouve ces pratiques honteuses, mais je crois que la famille, c’est sacré et qu’on ne peut pas se séparer et changer de partenaire au gré de nos humeurs.
Crois-tu être devenu un adulte prématurément à cause de la situation que tu as vécue ?
- J’ai vieilli tel un bon fromage.
Elle est bien bonne ! J’imagine que tu dois ressentir encore de temps en temps les effets négatifs de la séparation de tes parents. Les séquelles ont parfois la vie dure.
- En effet. Je pense qu’on ne peut pas se débarrasser complètement des souffrances vécues au cours de l’enfance. C’est comme si ces souffrances faisaient maintenant partie intégrante de la structure de mon cerveau, et qu’elles imposaient des limites à ce que je peux faire pour régler mes problèmes. Mais j’ai appris à m’accepter comme je suis. Je ne porte pas de lunettes roses, je ne fais pas comme si tout est beau et parfait. Mais il revient à chacun, je crois, de découvrir des façons de trouver la paix intérieure, et cela avec les outils qu’il possède.
Tourner entièrement la page n’est donc pas facilement envisageable ?
- Non, mais j’ai bon espoir de réussir un jour.
Douze ans après la séparation, éprouves-tu encore de la rancune envers tes parents ?
- J’avoue avoir déjà éprouvé un tel sentiment. Mais je me suis aperçu que la rancune ne sert absolument à rien. Je pardonne à mes parents, et je me dis qu’ils ont fait du mieux qu’ils pouvaient avec les connaissances et les ressources dont ils disposaient. Ils n’avaient peut-être pas conscience de la complexité du développement d’un enfant et que beaucoup de choses peuvent l’influencer.
Qu’aimerais-tu dire à ton père ou à ta mère s’ils étaient là, assis avec nous ?
- À mon père, je dirais que je ne lui en veux pas. Que je lui pardonne. Honnêtement, je n’aurais rien de particulier à lui dire. Je voudrais qu’il me parle et qu’il m’explique comment il voyait les choses ; je lui laisserais la parole le plus longtemps possible. Le plus difficile est de vivre sans connaître les raisons de son comportement.
En peu de mots, comment qualifierais-tu ton enfance ?
- Différente. Avec des hauts et des bas. Trop courte. Je suis devenu un adulte trop vite.
Imaginons le scénario inverse. Tes parents décident de ne pas se séparer, mais les choses ne vont pas en s’arrangeant et le climat de tension perdure à la maison.
- Je serais probablement parti de la maison.
Comment ton vécu a-t-il influencé ta vision du mariage, de l’amour et de la paternité ?
- Une partie de moi-même caresse l’idée de bâtir une famille, de me marier, d’être un père présent et un bon modèle.
- Une autre partie de moi prend plaisir à imaginer une vie sans enfants, une vie moins traditionnelle remplie d’aventures, de voyages et de succès professionnels.
Si tu avais été à la place de tes parents, aurais-tu fait les choses autrement ?
- Comme je l’ai dit plus tôt, je porte un vif intérêt au développement de soi ; je m’emploie à devenir la meilleure personne possible. Si j’avais été à la place de mes parents, j’aurais mis plus d’énergie à tenter de comprendre si je faisais bien les choses. Je pense donc que j’aurais fait les choses très différemment.
N’y a-t-il pas des leçons à tirer d’une expérience aussi importante que celle que tu as vécue ?
- C’est sûr ! J’ai retenu pour ma part quelques points importants, effectivement. D’abord, qu’on ne doit pas prendre la santé mentale pour acquise et que beaucoup de choses peuvent l’altérer. Aussi, que de bons rapports familiaux et un fort sentiment d’appartenance à la famille exercent une grande influence sur l’épanouissement de l’enfant, et cela dès son jeune âge. Enfin, j’ai compris que les gens changent, et que ça ne mène à rien de dire des choses comme « mon père est comme ci ou comme ça ». Rien n’est permanent.
Tu viens de citer le terme phare de Neuropresse : la santé mentale. Pour la préserver, on conseille entre autres choses la pensée positive, de ne pas broyer du noir et de se concentrer sur les points positifs en toute circonstance.
- Que de bons conseils que je mets en pratique, aidé par ma capacité d’introspection. De plus, j’ai de l’empathie et une bonne écoute pour les gens qui vivent des situations difficiles. Ce sont des traits de personnalité que j’ai développés après avoir connu une vie familiale difficile.
A ton tour, que conseillerais-tu à un enfant ou à un ado qui, comme tu l’as fait, doit composer avec la séparation de ses parents ?
- Je lui dirais de penser à lui. Il n’a pas d’emprise sur ce qui se passe autour de lui. Il peut seulement être maître de sa façon de réagir et de faire face à la situation. Il se pourrait qu’il pense que tout va bien, mais il n’en reste pas moins que des relations familiales difficiles laissent des marques, parfois indélébiles. Il ne faut pas balayer les petits problèmes sous le tapis car ils risquent de prendre de l’ampleur avec le temps.
Tu as mentionné plus tôt avoir déjà entendu des commentaires péjoratifs à propos du divorce. Qu’en penses-tu toi-même aujourd’hui ? Est-ce un sujet tabou ?
- Pas au Québec et pas aujourd’hui. Ca l’était à l’époque de mes grands-parents, à l’époque où l’Église catholique était omniprésente dans la société. Un couple restait ensemble peu importe les problèmes conjugaux. Ce qui n’était pas toujours sain. Aujourd’hui, les gens pensent beaucoup plus à leur bonheur personnel ; ils sont prêts à mettre fin à une relation beaucoup plus facilement. Le modèle du couple n’est définitivement pas le même.
Selon les statistiques, on passe d’un taux de divorce de 8,8% en 1969 à 49,9% en 2008, au Québec. Qu’en penses-tu ?
- Je pense que ce pourcentage élevé d’échec est dû aux raisons que je viens de mentionner. Les valeurs de la société québécoise ont changé depuis que la religion ne gouverne plus la vie des Québécois et des Québécoises. À mon avis, Les Tinder et compagnie ont tendance à accorder moins d’importance à la stabilité du couple.
Tu sembles avoir beaucoup réfléchi à la question. À part la perte d’influence de la religion, peux-tu citer d’autres raisons au taux élevé de séparation ou de divorce ?
- La réussite professionnelle passe devant la vie conjugale aujourd’hui. J’entends souvent dire “C’est ma vie avant celle de la vie de couple.”
- La volonté de satisfaire instantanément ses désirs est un autre facteur d'échec du couple. On veut vivre sur le champ des expériences sans attaches.
À tout problème sa solution, dirait le sage. En as-tu une à proposer ?
- Pour la fragilité des couples en général, je n’en ai aucune idée. Je pense que c’est du cas par cas. À ceux et celles qui diraient vouloir réduire le nombre de séparations ou de divorces, beaucoup de gens répondraient qu’ils ne veulent plus revenir dans le temps des unions traditionnelles. J’entends souvent des gens dire que la notion de mariage est dépassée. Les gens ne veulent pas connaître qu’un seul ou une seule partenaire pendant leur vie. Je pense que chaque personne doit faire ce qu’elle croit être bon pour elle. Pour cela, elle doit bien se connaître. C’est primordial. Je pense sincèrement que le mariage n’est pas fait pour tout le monde, tout comme la vie en famille. Je pense qu’il ne faut pas considérer nécessairement d’un mauvais œil le fait que les unions ne soient plus aussi durables que jadis.
En guise de conclusion, permettons-nous une petite fantaisie. J’aimerais savoir quels conseils tu te serais donnés il y a 10 ans, et lesquels te donnerais-tu dans 10 ans ?
- Il y a 10 ans, je dirais : « Ne t’en fais pas trop, les choses s’améliorent. Les gens changent et toi aussi. Profite de ton adolescence. N’aie pas peur de foncer, de faire des erreurs. Apprends et cesse de vouloir être parfait. »
- Dans 10 ans, je dirais ceci. « J’espère qu’il te reste encore quelques cheveux. Plus sérieusement, j’espère que tu es en paix avec tes choix et que tu te sens bien. Je ne te ferai pas de reproches si tu n’as pas encore trouvé ce qui fait ton bonheur.»
Que de sages paroles ! Je pense que cela conclut avec beauté notre entretien. Je te remercie une fois de plus d’avoir partagé ton expérience avec nous, et je te souhaite d’atteindre ton plein épanouissement, comme tu le désires. Et de garder tes cheveux..ha ha ha.
- Je t’en prie, cela m’a fait plaisir et m’a fait le plus grand bien d’en parler. J’espère aussi que cela aidera ne serait-ce qu’une personne à mieux surmonter son épreuve, à se rendre compte qu’elle n’est pas seule et qu’elle a en elle des ressources insoupçonnées.
- Pour les cheveux, c’est une autre histoire.. ha ha ha.
REFERENCES :
http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/mariages-divorces/6p4.htm
http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/mariages-divorces/6p4.htm
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