Hypersomnolence et narcolepsie : quand le rire fait dormir
Source : The Guardian
Les bienfaits du sommeil ne sont plus à prouver. Son importance pour la santé physique et mentale est primordiale, et les troubles du sommeil peuvent entre autres être des précurseurs de maladies mentales comme la dépression, l’anxiété et le trouble bipolaire (1). Parmi les troubles du sommeil les plus communs figurent l’insomnie et l’apnée du sommeil (1). Certains sont toutefois moins connus, comme les troubles d’hypersomnolence, qui sont caractérisés par une quantité de sommeil excessive de jour et de nuit.
La narcolepsie est un type d’hypersomnie aux incidences très importantes sur le quotidien. Il s’agit d’un trouble du sommeil rare qui se manifeste chez environ 25 à 50 individus sur 100 000 (2). Elle se distingue par la présence de cataplexie, qui est une perte de contrôle du tonus musculaire lors de fortes émotions, comme le rire et la colère. La narcolepsie s’accompagne également de somnolence diurne excessive, ce qui fait en sorte qu’une personne qui en est atteinte peut s’endormir à n’importe quel moment de la journée, aussi inopportun soit-il. Dans plusieurs cas, c’est d’ailleurs le premier symptôme à se manifester. Pour certaines personnes, ce trouble peut également être accompagné de paralysie du sommeil. Si ce phénomène ne représente aucun réel danger pour les personnes qui en souffrent, la sensation d’immobilisation ainsi que les hallucinations auditives et visuelles qui l’accompagnent en font une expérience terrifiante (3). Ainsi, la narcolepsie affecte beaucoup le quotidien des personnes qui en sont affectées puisqu’elles souffrent non seulement de somnolence durant la journée, mais elles ont aussi de la difficulté à avoir un sommeil de qualité durant la nuit.
Alors que les causes des autres types d’hypersomnie demeurent inconnues, un système particulier permet d’expliquer la narcolepsie : le système d’orexin. Aussi appelé hypocretin, ce neuropeptide, c’est-à-dire une protéine sécrétée par un neurone pour agir comme messager, contribue à l’éveil. Elle est produite au niveau de l’hypothalamus, qui joue un rôle important dans le cycle éveil-sommeil. Il y a une perte des régions qui produisent ces neuropeptides chez les individus atteints de narcolepsie, entraînant une perte de ces protéines clés dans le bon déroulement du sommeil et des fonctions qui y sont associées. Malgré qu’aucun traitement ne soit présentement disponible pour la narcolepsie, certains médicaments permettent de limiter la somnolence diurne excessive et les symptômes de la cataplexie (3), favorisant ainsi un quotidien régulier.
Ce type de narcolepsie, dont la cause est connue et qui se distingue par la présence de cataplexie, est la narcolepsie de type 1. Il existe toutefois un autre type d’hypersomnie, appelée hypersomnie idiopathique, qui elle, engendre seulement une somnolence diurne excessive, sans épisodes de perte de contrôle moteur. Même si son fonctionnement est loin d’être élucidé, certains facteurs pouvant y contribuer ont été identifiés, comme le manque de sommeil à long terme, le stress, la dépression, la maladie d'Alzheimer et la maladie de Parkinson (2).
Bien qu’il soit fréquent que les troubles d’hypersomnolence et les maladies mentales coexistent, la causalité qui les relie est encore mal comprise. Dans le cas des troubles anxieux, l’apparition des maladies mentales précède, la plupart du temps, le diagnostic de la narcolepsie. Toutefois, la relation semble plus compliquée dans le cas de la dépression, qui peut précéder la narcolepsie ou se manifester après le diagnostic (4).
Considérant que le manque de sommeil est l’un des facteurs qui contribuent le plus à l’hypersomnolence et que nous avons connaissance de cette relation entre le sommeil et la santé mentale, les plus récentes données à ce sujet sont inquiétantes. Une étude a montré qu’au Canada, environ un tiers des étudiants de 10 à 17 ans dorment moins que le nombre d’heures recommandé, alors que seulement une petite proportion de ces étudiants dort plus (5). Une autre étude suggère que 40 % des enfants d’âge scolaire rapportent de hauts niveaux de somnolence (5). Le manque de sommeil est associé à d’autres problèmes, que ce soit sur le plan du comportement, des émotions ou de la santé globale (maladies du cœur, diabète).
La société occidentale étant de plus en plus privée de sommeil (5), les troubles de sommeil doivent être considérés comme un enjeu de santé publique. Les données suggèrent qu’il faut continuer d’encourager la sensibilisation aux saines habitudes de sommeil et d’offrir des outils permettant une bonne hygiène du sommeil pour, par le fait même, contribuer à la prévention en santé mentale.
Références
1. Khan Z, Trotti L. Central Disorders of Hypersomnolence. Chest. 2015;148(1):262-273.
2. Schiappa C, Scarpelli S, D’Atri A, Gorgoni M, De Gennaro L. Narcolepsy and emotional experience: a review of the literature. Behavioral and Brain Functions. 2018;14(1).
3. La paralysie du sommeil, un trouble à la fois banal et terrifiant [Internet]. Les éclaireurs | Radio-Canada.ca Première. 2019 [26 November 2019]. Disponible: https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/les-eclaireurs/segments/chronique/34055/paralysie-sommeil-trouble-dormeurs
4. Morse A, Sanjeev K. Narcolepsy and Psychiatric Disorders: Comorbidities or Shared Pathophysiology?. Medical Sciences. 2018;6(1):16.
5. Corkum P, Weiss S, Hall W, Brown C, Chambers C, Constantin E et al. Assessment and treatment of pediatric behavioral sleep disorders in Canada. Sleep Medicine. 2019;56:29-37.