La pandémie de la COVID-19 et les troubles alimentaires: un duo dangereux
Source: Breiling, L. (2020, 26 avril). Isolation, fear and loss of rituals represent a serious challenge for anyone with an eating disorder or disordered eating tendencies. [image en ligne]. NBC NEWS. https://www.nbcnews.com/think/opinion/covid-19-diet-memes-aren-t-funny-coronavirus-fat-shaming-ncna1191151
La période de confinement liée à la pandémie de la COVID-19 ainsi que la distanciation sociale imposée entraînent obligatoirement des changements majeurs dans notre vie quotidienne, ce qui peut augmenter le stress et l’anxiété chez plusieurs d’entre nous. Entre autres, votre alimentation, une des fonctions vitales faisant partie de notre quotidien, a peut-être connu des perturbations. La majorité des personnes sont confinées chez elles et la nourriture devient très accessible. Pour certaines personnes, elle est utilisée comme moyen de gérer les émotions face aux changements et au stress causés par la pandémie. À cet égard, les personnes souffrant d’un trouble de la conduite alimentaire font partie des populations les plus vulnérables durant cette pandémie.
1- QU’EST-CE QU’UN TROUBLE ALIMENTAIRE ?
Le trouble alimentaire ne s’agit pas simplement d’une relation compliquée avec la nourriture. Pour mieux l’expliquer, imaginez une personne qui vous intimide sans arrêt. Pour certains, les épisodes d’intimidation peuvent être chaque minute, chaque heure ou chaque jour. Cet intimidateur s’en prend à vous, sans discrimination quant à l’âge, au sexe et à l’ethnicité. Il vous crie constamment :
« Tu ne vaux rien, t’es un échec, t’es inutile, t’es horriblement gros(se). »
« Tu ne mérites pas de manger, parce que tu pèses déjà trop comme ça. »
« T’es gros(se), tu as pris du poids, probablement à cause de tout ce que tu as mangé hier. »
« Personne ne t’aimera si tu prends du poids »
« Tu n’es personne sans moi [le trouble alimentaire]. »
La personne souffrant d’anorexie entend ces mots sans répit, alors qu’elle restreint grandement ses apports énergétiques.
Les personnes souffrant de boulimie et d’hyperphagie entendent ces mots également sans répit, mais surtout après avoir ingéré une grande quantité d’aliments en une certaine période de temps qu’on qualifie de « crise alimentaire » ou « d’hyperphagie boulimique ». Contrairement aux personnes souffrant d’hyperphagie, les personnes souffrant de boulimie se tournent vers l’utilisation de comportements compensatoires (par exemple, se faire vomir, utiliser des laxatifs, des diurétiques et des lavements) pour ne pas « grossir » à la suite de la crise alimentaire (pour plus de détails, consultez notre article sur les troubles alimentaires en cliquant ici ).
Il n’est donc pas difficile de comprendre pourquoi la voix du trouble alimentaire peut grandement affecter l’estime de soi de ces personnes. Peu importe l’heure de la journée ou ce qu’elles font, elles se font critiquer pour leur apparence, leurs actions et leurs émotions. C’est une lutte constante entre la voix du trouble alimentaire et leur propre voix. Cette voix qui est unique et qui leur appartient se bat à chaque moment pour se faire entendre.
2—COMMENT LES PERSONNES VIVANT AVEC UN TROUBLE ALIMENTAIRE SONT-ELLES AFFECTÉES DURANT CETTE PANDÉMIE MONDIALE ?
LA NOURRITURE DEVIENT UNE TENTATION RAPIDEMENT ACCESSIBLE
Ces temps-ci, ressentez-vous beaucoup d’ennui, de solitude, d’anxiété, ou de colère pour différentes raisons liées à la pandémie ? Grignotez-vous plus qu’à l’habitude ?
Eh bien, il se peut que vous vous tourniez vers la nourriture comme source de réconfort ou de distraction en ces temps difficiles, car un cerveau stressé nécessite plus d’énergie, et ce, rapidement. Grignotez-vous plus de produits sucrés ? Ce sont des aliments qui permettent de vous fournir plus vite de l’énergie.
Alors, imaginez une personne qui souffre d’un trouble alimentaire. Elle a déjà une relation conflictuelle avec la nourriture, en temps normal, et maintenant, avec la pandémie, elle est forcée de voir la nourriture continuellement. La nourriture peut donc devenir une méthode très accessible pour gérer les émotions, comme décrit précédemment, ainsi que le stress et l’ennui vécus par cet isolement.
CONSEIL #1 : Si c’est le cas pour vous , voici ce que vous pouvez faire : (plusieurs de ces conseils peuvent s’appliquer à la population générale également)
- Vous rappeler que votre corps mérite de manger et a besoin de nourriture, peu importe votre niveau d’activité physique quotidien.
- Vous demander : est-ce que j’utilise présentement la nourriture pour gérer mes émotions ? Si oui, qu’est-ce que je ressens présentement et comment puis-je les gérer autrement ? Prenez le temps d’accueillir vos émotions, elles pourront vous aider à cibler ce qui ne va pas réellement et réduire votre anxiété.
- Si vous vous sentez à l’aise de parler de votre relation difficile avec la nourriture, n’hésitez pas à chercher du soutien chez vos proches. Peut-être peuvent-ils vous soutenir lors des repas ?
- Faire de la méditation ou du yoga pour vous recentrer sur vous-mêmes et être en contact avec vos émotions.
L’ISOLEMENT PÈSE PLUS LOURD POUR LES PERSONNES AVEC UN TROUBLE ALIMENTAIRE
L’isolement social et la distanciation sociale imposée peuvent amener de l’anxiété, de la dépression et un sentiment de solitude. Pour les personnes vivant avec un trouble alimentaire, ces émotions peuvent être amplifiées et donc maintenir le cycle du trouble alimentaire. Pour les personnes souffrant d’anorexie qui s’isolent beaucoup à la base, la peur d’attraper le virus peut les amener à davantage se retirer et à poursuivre leur restriction alimentaire.
CONSEIL #2 : si vous vous sentez seul (e), voici ce que vous pouvez faire :
- Vous pouvez appeler la ligne d’écoute ou utiliser les services en ligne d’ANEB (pour plus d’informations, voir les ressources à la fin de l’article).
- Vous pouvez essayer de garder contact avec vos proches (amis, famille, etc.) en les appelant par téléphone, vidéoconférence, etc.
- Vous pouvez essayer de découvrir des nouveaux passe-temps, comme la peinture, le dessin, le yoga, le jardinage...
LES CHANGEMENTS IMPOSÉS PAR LA PANDÉMIE PEUVENT DÉSTABILISER LA ROUTINE ALIMENTAIRE
Avant le confinement, vous aviez sûrement une petite routine : travailler, cuisiner, s’occuper des enfants, faire l’épicerie les week-ends, visiter ses amis ou sa famille un vendredi soir… Mais avec le confinement, toutes ces choses ont changé rapidement, ce qui peut être anxiogène et déstabilisant.
Mais pour les personnes vivant avec un trouble alimentaire, c’est plus compliqué que ça. Celles-ci ont établi une routine alimentaire assez stricte avec le temps. Certaines mangent à un temps précis dans la journée, ou mangent un type ou une marque précise de nourriture. Pour plusieurs d’entre elles, cette routine fait partie de leur journée vers un rétablissement. Cette routine peut inclure également un moment réservé à l’exercice, des visites chez des professionnels de la santé ou chez leurs amis. Ces changements bouleversent grandement l’état émotionnel de la personne vivant avec un trouble alimentaire, ce qui peut aggraver encore une fois la présence du trouble alimentaire.
CONSEIL #3: si vous vous sentez déstabilisé(e) en cette période, voici ce que vous pouvez faire :
- Vous rappeler que cette situation est temporaire et que même si elle est hors de votre contrôle, vous faîtes déjà très bien en essayant de vous adapter du mieux que vous pouvez à cette situation.
- Vous établir une petite routine. Cela peut être des choses simples, telles que prendre votre douche, s’habiller, se lever…
- Vous rappeler que cette pandémie n’efface pas vos progrès. Si vous faîtes face à une rechute, cela n’efface pas les connaissances ou les outils que vous avez acquis. Les rechutes sont tout à fait normales dans votre rétablissement du trouble alimentaire.
- N’hésitez pas à parler à un psychologue spécialisé en troubles alimentaires ou tout autre professionnel pour qu’ils puissent vous aider à planifier vos repas si nécessaire.
- Vous rappeler que c’est correct de compter sur vos proches ou votre professionnel de la santé en cette période stressante
- Vous faire une petite liste des choses dont vous êtes fier(ère) ou dont vous êtes reconnaissant(e) chaque jour. Cela vous permettra de voir le positif dans vos journées.
L’INFLUENCE TOXIQUE DES MÉDIAS
Avec le confinement, les gens passent davantage de temps sur les réseaux sociaux. Les personnes souffrant d’un trouble alimentaire se voient davantage exposées à des discours constants autour du poids, comme des astuces pour s’entraîner à la maison, des publicités alimentaires, des conseils pour ne pas prendre du poids durant la quarantaine, etc. Ceux-ci peuvent amplifier les émotions négatives vécues par rapport à leur image corporelle et ainsi augmenter la détresse vécue et les rechutes.
CONSEIL #4 : Si vous ne vous sentez pas bien après avoir été sur les réseaux sociaux, voici ce que vous pouvez faire :
- Vous déconnecter des réseaux sociaux en laissant ton téléphone de côté. Vous pouvez appeler un(e) ami(e), aller dehors, parler à votre amoureux(se), jouer avec votre animal de compagnie... Vous vous sentirez beaucoup mieux après et cela vous permettra de profiter du moment présent.
-Vous désabonner des comptes sur les réseaux sociaux qui publient de manière obsessionnelle des photos ou vidéos de nourriture, d’exercices à faire ou de diète à suivre pour perdre du poids, etc.
EN CONCLUSION…
Bien que tout le monde soit confronté à une période difficile, ceux qui souffrent d’un trouble alimentaire se voient ajouter des défis supplémentaires en raison de leur relation déjà complexe avec la nourriture.
À Montréal, depuis le 22 juin, certains restaurants ont annoncé leur ouverture après l’accord du gouvernement. Pensez-vous que l’ouverture des restaurants va influencer les comportements des gens souffrant d’un trouble alimentaire ? Si oui, lesquels et sont-ils positifs ou négatifs ?
MÊME SI C’EST DIFFICILE PRÉSENTEMENT, RESTE FORT(E). DES GENS SONT LÀ POUR T’AIDER.
Ordre des psychologues du Québec : https://www.ordrepsy.qc.ca/accueil
Services d’Anorexie et Boulimie Québec :
· Ligne d’écoute: 514 630-0907 ou 1 800 630-0907 (tous les jours de 8 h 3 h)
· Textos : 1 800 630 0907 (du lundi au vendredi de 11 h à 15 h 30. À partir du 11 mai, le service sera offert du lundi au vendredi de 11 h à 20 h)
· Clavardage individuel sur anebados.com (du lundi au jeudi de 16 h à minuit et le vendredi de 16 h à 20 h)
· Clavardage de groupe pour les 17 ans et plus (tous les mardis et jeudis de 19 h à 21 h).
RÉFÉRENCES :
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